vendredi 20 février 2015

Un nombre record de cégépiens faibles en français

D’après un article publié dans le Journal de Montréal, Les cégeps accueillent de plus en plus d’étudiants faibles en français. Depuis dix ans, le nombre de jeunes qui ont dû s’inscrire à un cours de mise à niveau a grimpé de 50 %.

Selon les chiffres du ministère de l’Enseignement supérieur obtenus par une demande d’accès à l’information, 9962 étudiants en 2005 avaient dû suivre un cours de rattrapage en français à leur arrivée au cégep. En 2014, ils étaient 14 851. De ce nombre, 54 % étaient des garçons.

Les cours de mise à niveau, maintenant appelés cours de « renforcement », sont imposés aux étudiants dont la moyenne générale en français au secondaire est faible. Les règles varient d’un cégep à l’autre.

Dans certains collèges comme le cégep Lévis-Lauzon, ce cours est obligatoire pour les étudiants qui ont obtenu une moyenne de 65 % et moins en français au secondaire. Au cégep de Sainte-Foy, des étudiants dont la moyenne générale est de moins de 75 % doivent se plier à un test diagnostic, qui déterminera s’ils doivent suivre ce cours ou non.


Difficile à expliquer

À la Fédération des cégeps, on indique que cette hausse est « difficile à expliquer ». À partir de 2008-2009, les cégeps ont commencé à accepter sous condition des élèves qui n’avaient pas tout à fait complété leur diplôme d’études secondaires, si bien que davantage d’élèves faibles ont pu avoir été admis au cours des dernières années.

« On leur donne une chance de plus, mais est-ce suffisant pour expliquer la hausse ? », lance la directrice des communications, Judith Laurier.

Au cours de la même période, le nombre d’étudiants dans le réseau collégial a progressé de 18 %. Toutes proportions gardées, l’augmentation des inscriptions dans les cours de mise à niveau est donc bien réelle. Les exigences sont aussi restées les mêmes, affirme-t-on à la Fédération des cégeps.

Dans les cégeps de la région de Québec, le nombre d’inscriptions est relativement stable ou fluctue d’une année à l’autre.

Détérioration du français

De son côté, Daniel Loiselle, président de l’Association des professionnels de l’enseignement du français au collégial, n’est pas étonné par ces chiffres. « La qualité du français s’est considérablement détériorée », affirme-t-il, si bien que certains cégeps qui n’offraient pas de cours de mise à niveau en ont créé.

Christian Bernier, président du comité qui représente les enseignants de français du collégial au ministère de l’Enseignement supérieur, n’est pas non plus surpris. À la suite d’une hausse des taux d’échec au premier cours de français et littérature, certains cégeps ont resserré les critères d’admission aux cours de mise à niveau, indique-t-il.

Élèves de la réforme

Quant à savoir si la réforme a accentué les problèmes des étudiants en français, M. Bernier reste prudent. « Il semble y avoir une certaine dégradation », affirme ce professeur de français au cégep de l’Outaouais.

Daniel Loiselle est plus catégorique. « L’arrivée de la réforme au secondaire a eu un impact assez évident », lance cet enseignant du cégep de Sherbrooke.

Les chiffres du ministère de l’Enseignement supérieur ne permettent toutefois pas de tirer les mêmes conclusions, puisqu’on observe plutôt une baisse du nombre d’inscriptions dans les cours de mise à niveau entre l’automne 2009 et l’automne 2010, année où les premiers élèves de la réforme ont fait leur entrée au cégep. Le nombre d’inscriptions a toutefois recommencé à grimper par la suite.

Selon M. Loiselle, les élèves avec de sérieux handicaps en français sont plus nombreux qu’avant. « Pour certains d’entre eux, on parle d’analphabétisme fonctionnel », affirme-t-il.

Comment des élèves aussi faibles sont-ils parvenus à réussir leur français de cinquième secondaire et l’épreuve ministérielle qui y est associée ? « C’est le grand mystère », laisse-t-il tomber.

Nombre d’étudiants inscrits à un cours de mise à niveau en français au collégial

2005 :  9 962
2006 : 11 073
2007 : 11 774
2008 : 12 596
2009 : 13 248
2010 : 11 664
2011 : 12 549
2012 : 13 293
2013 : 14 346
2014 : 14 851

*Ces chiffres excluent les inscriptions à des cours de français pour les étudiants non francophones.
Source : ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de la Science.

D’autres pistes d’explication

— « C’est en lien direct avec les résultats du secondaire. Les résultats des élèves en grammaire diminuent, mais les profs de cégep se font un devoir de ne pas baisser les attentes », affirme Érick Falardeau, professeur en sciences de l’éducation à l’Université Laval.

— Les résultats des élèves de cinquième secondaire à l’épreuve unique de français sont en effet en baisse. En 2011, la moyenne obtenue était de 73,2 %, diminuant graduellement pour atteindre 71,5 % en 2014. Même scénario pour le taux de réussite, qui était de 91,1 % en 2011 pour se situer à 89,3 % trois ans plus tard.

— « L’examen de cinquième secondaire, il ne faut pas se compter d’histoire, tout le monde passe, poursuit M. Falardeau. Il n’y a pas de tri qui se fait là. Les élèves se retrouvent tous au cégep et doivent avoir des mesures d’accueil. Plusieurs élèves vivent un choc monumental, c’est pour ça que les cours de mise à niveau ont été accrus. Il y a maintenant plus d’heures au collégial pour répondre à ces problèmes. »

— Le nombre d’heures de français a diminué. Alors qu’on a ajouté quatre cents heures d’anglais de plus récemment, une centaine d’heures de français a été perdue. En une trentaine d’années, on est passé de 500 heures à plus de 1000 d’anglais, et le ministre de l’Éducation, Yves Bolduc, et le Premier ministre, Philippe Couillard, veulent en imposer 400 heures de plus en 5e et 6e année !



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